lundi 17 octobre 2011

Le pré-président

L'histoire bégaie souvent, aime-t-on à dire. Les mots se dédoublent. Les prénoms aussi. Le désormais candidat socialiste pour mai 2012  ne fait pas mystère du plaisir qu'il prend à partager celui du vainqueur de mai 1981. Hollandais peut-être, mais François avant tout, semble-t-il dire à longueur de langueur pronominale ...

A y regarder, littéralement, de plus près, d'autres bégaiements affleurent à fleur de ligne. Des bégaiements pas forcément historiques, mais gaiement béants.

Est-il seulement le candidat d'un camp appelé à figurer au second tour de la prochaine présidentielle ? Lisons mieux ce qui se dessine dans les titres de presse depuis quelques jours. Ce n'est plus un candidat, c'est un gagnant. Ce n'est plus une échéance, c'est un rendez-vous. Ce ne sera plus un vote, mais un sacre annoncé. François Hollande n'est pas encore Président. Mais déjà a-t-il réussi cet exploit sémantico-médiatique : il est devenu le pré-Président.

Lisons encore plus attentivement ce qui s'écrit ici et là (on n'ose encore dire "ici et maintenant", pour les nostalgiques de l'autre François, du pré-François en quelque sorte). Dans la sphère publique, ce pré-Président n'est pas seulement le Président d'après. Il est aussi le Président de près.

le Premier secrétaire du parti socialiste, François Hollande, et le président de l'UMP Nicolas Sarkozy, lors de l'enregistrement du "Grand débat RTL/Le Monde". Après l'hyper-Président, totem de la toute puissance institutionnelle, voici se dessiner le près-Président. Celui que l'on peut aborder. Celui qui est de tous les bords. Un Président normal, annonce-t-il de lui même. Comme s'il s'agissait d'avance de déterminer quelle serait la norme. Pour l'après.

Nous le voici devant les yeux. Au devant de la scène. Au plus près du sommet. Le Président d'après, le Président de près. Le Président qui ne possédera pas le pouvoir, mais l'empruntera à son propre successeur. Un Président de prêt, pourrions nous risquer à pronostiquer ...

Pré-Président, Président de près, Président de prêt, Président d'après, Président sans apprêt ...

Reste à lui souhaiter, au-delà des sourires du babil de ces "pré"-tendances, qu'il soit vraiment prêt. Ce que nous verrons bien. Après,  ...

vendredi 14 octobre 2011

On en causa et la causerie délira




On l’aura compris aux échanges qui se sont déroulés – et qui vont se poursuivre, nous l’espérons – une tentation étrange, un vertige censé, une anti-trahison cléricale habite ce site.
Un désir hurluberluesque de retrouver la robe d’un instituteur athée, de battre les chemins creux d’un pays laïc pour prêcher un évangile qui reste encore à écrire.


Un évangile qui cheminerait entre la correction d’un Testament, la mémoire d’Aristote et la tentative d’un Alliance nouvelle.
On aura compris que nous parlons ici de valeurs strictement humaines, dont les habitants de cette terre ont depuis longtemps fait trésor avant d’en confier la garde notariale au divin.On aura aussi compris que, pour certains, ces valeurs à la fois séculières et intemporelles sont une cause impossible. Voire, pour les plus critique, une pure glose agnostique. Un bavardage improductif. Une causerie délirante (Si on en causa, c'est que cette causerie délira ?)


Quelque chose qui n’est, du reste, pas sans rapport avec l'essence même de l’écologie. Pour peu qu’elle ne s’enferre pas dans un jeu politique. Une écologie qui est un clergé en charge d'enjeux planétaires et fait semblant de jouer aux combats de chapelles.
Quand certains s’interroge sur ce qu’est la trahison d’un clerc, nous lui conseillons d’aller voir un congrès partisan. C’est édifiant.


Nous croyons pour notre part que la notre terre n’est pas seulement le fruit de notre histoire, qu’elle n’est pas uniquement le croisement de cultures qui se sont fécondées, qu’elle n’est pas exclusivement un carrefour de commerces, de trafics ou d’influence.
Or, nous craignons qu’elle ne devienne précisément cela. Qu’elle ne se réduise à cela. Qu’elle ne se restreigne à son présent. Comme un homme qui se tasserait sous le poids des espoirs déçus de son enfance. Comme un enfant malheureux de ses dérives. Comme une éducation ratée. Comme une croissance vaine.
Et, pourquoi ne pas le dire ? Comme un échec moral.
 
C’est là, précisément là, que nous éprouvons la tentation des clercs. Cette idée, un peu folle, d’offrir une réflexion à la fois modeste et consciencieuse.
Une réflexion de clerc. La tête un peu dans les étoiles

lundi 10 octobre 2011

Pan sur le blog, et vivent les blancs becs !



Un lecteur assidu et honnête (autre définition de l’oxymore en politique), nous apporte une intéressante contribution critique, que nous livrons tutoiement compris, ce qui exige – delà de l’effort sémantique –  une  camaraderie intellectuelle dont nous sommes pas nécessairement familier.

Ce lecteur écrit, avec honnêteté et clarté : « sur le fond : je n'ai pas lu Benda ni réfléchi à son message ; mais à chaud, j'émets quelques objections. Si je comprends bien, l'idée c'est que l'intellectuel ne devrait pas s'engager, notamment politiquement, sinon il trahit sa mission et ses idées; mais ce n'est pas une vie ça, la réflexion pure qui inspire sans action pour l'enrichir et la nourrir. »

Suit la définition par ses soins de la vie et d’une forme au demeurant très respectable des valeurs qui la soutiennent :
 « Ce qui vaut dans une vie c'est l'action au service des idées : ce n'est pas parce que certains ont fait des mauvais choix que l'engagement n'est pas indispensable à un moment ou un autre ; a titre d'exemple, pour revenir à notre temps, je trouve remarquable et utile que BHL ait réussi par son engagement initial à chasser Khadafi  ou que Luc Ferry ait essayé de mettre en pratique ses idées comme ministre (quels que soient ses résultats) . N'es- tu pas d'accord d'ailleurs avec sa préférence pour une éthique de responsabilité par rapport à une éthique de conviction ?

Pour moi, ce qui est insupportable, c'est plutôt les intellectuels qui s'érigent en vigie de la Morale et du Bien et distribuent les bons et les mauvais points assis devant leur petit noir aux deux-magots à ceux qui agissent et tentent de faire bouger les choses »

Et il conclut, en un clin d’œil : « J 'ai encore bien du chemin à faire pour a-bender dans le sens de Julien... » Il lui sera beaucoup pardonné pour ce trait d’esprit.

Pour notre part, nous apprécions que ces menus articles posés au hasard de la blogosphère entrainent un vif débat plutôt qu'un plat béat.

Pour le reste, nous devons être sans ambiguïté : nous apprécions l'action d'un BHL en Libye, d’un Max Gallo lorsqu’il fut le porte parole d’un Gouvernement ou d’un Alain  Etchegoyen quand il fut nommé Commissaire au Plan .

Mais ils sont dans un rôle qui n'est pas celui du clerc, justement. A contrario, Kant (qui n'a jamais quitté Könnigsberg) reste une référence morale indispensable (au sens strict : il est difficile de penser sans), plusieurs siècles après sa mort. 

En clair (en clerc ?) nous considérons qu'il ne faut surtout pas opposer les deux manières d'être intellectuel : celle de l'engagement dans le présent et celle du clergé de la pensée. Ce sont deux métiers différents, qui tous les deux sont profondément utiles à la sphère publique. Un peu à la manière où, en automobile, il faut bien des designers et des mécaniciens.

miracle

 Le clerc est une lampe qui peut se passer des Aladin. Mais Aladin serait un pauvre berger, utile à son seul troupeau et non à l’humanité, sans sa rencontre avec un génie immobile et prisonnier volontaire de sa lumière.

dimanche 9 octobre 2011

Fin d’un suspense hitshcockien


Avouons que nous l’avons tous attendu, ce résultat du 9 octobre 2011.


Avec ce qu’il faut de dilettantisme qui est un dandysme de l’anxiété (« oh, quel que soit le résultat, ça ne changera pas le monde », phrase rituelle des bistrotiers médiatiques, qui aiment à philosopher aussi bien les veilles de fin du monde que  les matins de supposé big-bang) Avec ce qu’il faut, également, de légère préoccupation camouflée dans une soudaine passion pour la précision chronologique (siglée d'un « au fait, c’est à quelle heure qu’on sera vraiment sûr ? » digne des meilleures Patek Philip).  

Ils étaient six en compétition. Et celle-ci a nécessité plusieurs visionnages. A des heures différentes, avec des publics différents. Dans ce début d’automne qui ressemblait à un mois de mai (celui de la présidentielle eu Festival de Cannes), le week-end qui allait trancher les sorts se devait d’être douché par le froid pour éprouver sa force de caractère. Ce fut, comme annoncé, glacial. 


Allez voter ressemblait à un sacerdoce. En être acteur supposait une élégance particulière dans le port du coupe vents.  En être organisateur supposait une grande résistance aux courant d’airs, qui ont souvent l’air de courants de pensées.

Ils étaient six en compétition. Avec un grand absent. Comme un Ken Loach qui aurait glissé dans sa salle de bain et n’aurait pourrait pu finir le bouclage du film de sa vie. 


Ils étaient six là où ils auraient pu être davantage. Ou peut-être moins. Allez savoir ce que la présence, en finale, d’un Mike Leight non retenu à Manhattan pour une histoire de sérieux différent avec une figurante, aurait pu éliminer par avance comme concurrence.

Ils étaient six en compétition. Et le jour du verdict serait le 9 octobre 2011. 


Le monde pouvait regarder ailleurs, peu importait. Pour les organisateurs, seul ce résultat comptait, en ce jour. Un an qu’ils le préparaient, ce 9 octobre 2011. Pas question de se le faire voler par une news en forme d’outsider. Dexia est en faillite ? Ca tombe bien, il n’y a plus de Belgique. On est en plein dans les nominations de prix Nobels ? Bof, le jury d’Oslo est bien fichu de désigner un mort, lui.

Alors que ce week-end, en France, on allait enfin connaître l’identité d’un vainqueur. Un vrai. Un vrai revenant de Jurassic Parc qui crèverait l’écran. Un animal plus féroce que les autres. D’ailleurs, c’était bien simple, le nom du favori était déjà connu. Il s’appelait Tyrannosaure est il devait tout écraser sur son passage, malgré son amincissement au montage.

En face, un challenger semblait tout juste émerger des brumes d’une campagne menées dans des pubs anglais, à la fois stricts et hors du temps, méditant une sorte de mélancolie apathique et désabusée sur son propre univers, malgré une armée de jeunes lui offrant leur couleur comme autant de remontants. Un challenger, on l’appelait par son nom de code l’Irlandais. Une histoire qui racontait beaucoup de lassitude et devait incarner l’avenir.

Et puis, en ce 9 octobre 2009, Nathalie Baye est venue annoncer le palmarès, accompagnée notamment d'Emmanuelle Devos. Nathalie Baye ? Nathalie Baye, oui. Emmanuelle Devos aussi. Quelque chose qui ressemblait à une cérémonie bobo, mâtinée d'un paysage de télé-réalité. Une annonce façon Rohmer chez Endemol. 

Comme on s’y attendait, Tyrannosaur de Paddy Considine, avec Peter Mullan et Olivia Colman a remporté la récompense suprême. Il est arrivé en tête. De l'avis de tous, il n'y avait pas de surprise, il était le gagnant prévisible, parmi les six films finalistes.


Mais honnêtement, c’est l’Irlandais, de Mac Donagk, avec Bredan Gleeson, Don Cheadle et Liam Cinningham qui a créé la surprise, en remportant à la fois le prix du public et celui des professionnels de la profession (aussi appelé « Prix de la Règle du Jeu »).

Et il ne serait peut être pas exclu qu’un jour, cette tristesse irlandaise, un peu lassante comme une chanson de Sinnead O’Connor mais aussi douée qu’elle pour trouver des tons inédits, puisse l’emporter dans le cœur du public sur une machine à émotion pourtant réglée depuis la préhistoire de la mise en scène.

Ah, au fait, nous parlions des résultats du Festival du Film Britannique, qui s’est achevé ce week-end en décernant son Hitschcock d’Or. 


Vous pensiez à quoi d’autre ?

mardi 4 octobre 2011

Du gros en politique et de la politique, en gros (ou sous quel régime vit-on ?)



Regardez un peu mieux cette photo. Non, pas plus près : elle saute au visage. Mais mieux. Qui voyez-vous ? Ou plutôt : qu’y voyez-vous ?

Présidentielle américaine: le républicain Christie n'est pas candidat

Si vous êtes un observateur pressé, vous y devinerez un chauffeur de salle, animer une foule probablement assez nationaliste, derrière un logo de la fondation Ronald (l’ancien Président Reagan, pas le clown de Mac Do°) et planté devant deux solides drapeaux américains.
Si vous êtes féru de politique atlantique, vous reconnaîtrez le républicain Chris Christie, Gouverneur du New Jersey, qui a refusé mardi de se lancer dans la course à aux primaires, côté Républicain, pour la prochaine présidentielle américaine.
Cette photo, c’est celle de sa conférence de presse à Trenton (New Jersey) où il a déclaré une phrase qu’aucun homme politique français ne saurait prononcer en conscience, et encore moins en public : "Ce n'est pas le moment pour moi".

Si vous êtes un auditeur de Guy Birenbaum sur une radio nationale (ce qui suppose de se lever tôt, mais rarement pour rien), vous y verrez également autre chose. A savoir : un gros. Un gros derrière un pupitre. Un gros tout court. Un gros vraiment gros. Une bonbonne de cholestérol risquant de détenir un jour le bouton atonique, un risque vivant pour diriger une société qui tête en permanence au sain.
Les propos de Guy Birenbaum, ce matin, dans sa revue du net, intitulée pour l’occasion « la graisse fait débat » était éclairant, et nous avons pu les vérifier depuis : des sites entiers, des pages pleines semblent regorger Outre Atlantique d’avis médicaux sur le bilan cardio-vasculaire d’un candidat pourtant porté par des sondages flatteurs, lequel a finalement préféré jeter l’éponge. On espère que l’éponge en question était gorgée de grasse de sueur et que ses contempteurs sanitaires, s’emparant du trophée, s'en sont salis leurs doigts manucurés. 

En réalité, au-delà de l’anecdote, apparaît l’image d’une époque où l’hygiène est devenue nouveau racisme. Où l’on peut élire un Président noir, mais en super-forme. Où les leaders européens, Cameron et son âge, Sarkozy et son sport, Berlusconi et ses implants, font assauts d’efforts pour respecter la norme hygiénique qui est devenue la formule secrète de l’accès au pouvoir.
Regardez la médiascopie française : des gouvernements de droite qui commencent tous par un casting Elite°, et des concours de beauté aux primaires socialistes en France. Regardez aussi au Sénat, le look épuré d’un Bel bien nommé, vainqueur d’un Larcher relâché.
Ecoutez le bruit de fond des commentaires faussement désinvoltes sur le régime drastique de tel candidat favori. Et les regrets faussement compatissants sur le laisser-aller alimentaire de son prédécesseur en crêtes des sondages.

En réalité, tout ceci est faussement anecdotique. Le régime, avant d’être une discipline de nutritionniste, est un système d’organisation politique. Le régime, c’est le régiment. C’est l’ordre dans les rangs. C’est la taille du crâne qui peut dépasser, pas celle du pantalon. Le "je ne veux voir qu'une seule tête" se comprends aussi : "je ne veux voir qu'un seul corps".
Un régime, c’est d’abord et avant tout une société pensée en uniforme. Au propre comme au figuré. Un régime, c’est une dictature à la fois du semblable et du souhaitable. C’est une recette miracle, dédiée à une beauté normative qui subjugue la sphère privée en envahissant l’espace publique. Le régime est son propre aliment.

Un régime, c’est aussi un artifice politique. Un vêtement flatteur (amateur de couleurs sombres en général). Une manière de rassurer. Des façons de protéger les apparences.
Peut-être serait-il possible, un jour, de regarder ce qu’implique notre servitude volontaire à ces proposition d'enrégimentement du corps, de la mise au pas des marches déviantes et de la captation des regards loin des enjeux - proprement incorporels, libres et inaptes au regard immédiat- qui sont ceux du débat public.

Un petit rappel, pour mémoire. La Chancelière allemande n’est pas jaugé à l’évolution de son embonpoint, qu’elle peur encore mesurer sans risque à celui d'un Helmut Kohl au zénith de son pouvoir. Son Ministres des Finances est le seul en Europe a être physiquement handicapé et à circuler en fauteuil roulant dans les réunion de l’Ecofin.
C’est la première économie du continent. Certains ne doivent pas trouver cela joli-joli à regarder …