mercredi 30 mai 2012

L’anaphore lacanien


Nous reviendrons plus longuement, dans ce site, sur le concept d'anaphore. Sur sa posture gaullienne. Sur sa tradition littéraire.

Pour l'heure, nous serions tentés de regarder du côté de ce que cette expression ne dit pas directement, mais sous-entend limpidement.

L'anaphore, par allitération, fait irrémédiable penser à l'art aphone. Et c'est bien cela, ce qui nous fut donné à entendre, dans ce débat de l'entre-deux tours : un homme drôle et spirituel a dû, pensant toute sa campagne, se faire grave et terre-à-terre. Sa part d'art ? C'était son esprit, souvent frondeur et en rupture de bien-pensance. C'est cette part d'art qu'il a du faire taire. C'est cet art, qui dû rendre aphone.

Stupéfiante résurrection du sens dans le son : en fin de campagne, dans la dernière ligne droite, une ultime fantaisie est permise. Et l'art aphone se fait l'anaphore.

Mais l'anaphore trimbale également des grosses caisses à résonances signifiantes. Tendons l'oreille : que murmure, sous la langue, l'anaphore ? Cette affirmation peu flatteuse de prime abord : "l'âne est fort".

Et c'était cela, l'autre message lacanien qui traversé le petit écran. Cette lanière de dire à l'autre : "tu m'as pris pour un âne, vois comme je suis fort."

Y pensait-il, en le lançant dans sa tirade ? Se souvenait-il même seulement du nom précis de cette formule rhétorique ? Rien de moins sûr. Mais peut-être, lointainement, furent ces sens cachés qui lui servirent d'anges signifiant pour la soutenir.

Puisque tout le monde s'accordera à reconnaître que cette tirade ne manquait pas d'aile !


Le pont de service


A toute époque républicaine, sous tout régime démocratique, existent des individus qui se dévouent pour se tirer une balle intellectuelle dans le pied croyant faire, sur le terrain politique, une passe sportive d'autant plus remarquable qu'elle semble spectaculaire.

Ces individus sont le contraire des clercs. Pas étonnant qu''ils aient le goût du sombre ni qu'ils se donnent  des airs foncés.

pont du monde 20 152 Les plus belles images des ponts du mondeEn règle générale, ils se persuadent de poursuivre avec panache un rôle de pont entre des idées banales et des pensées infréquentables. Dans leur vision dudit panache, ils se souviennent que Cyrano commence dans une taverne et y trouvent matière à se complaire dans des propos d'ivrognes, étrangement tenus à jeun.

Le dernier exemple en date est particulièrement affligeant. Un éditorialiste de talent (les ponts auquel il succède en la chaussée ont souvent cette caractéristique, leur talent de plume aggravant a due proportion l'incongruité de leurs égarements) a éprouvé le besoin de pervertir le débat nécessaire sur les propositions de reformes judiciaires par des allusions à la personne même de la nouvelle Garde de Sceaux.

Bien sûr, la limite entre la réflexion et l'inacceptable n'est jamais franchie. Le Rubicon entre race et histoire, dénigrement et contestation, insulte et critique n'est pas traversé. Mais le pont est jeté. Comme de juste d'ailleurs, puisque ce Saint Just cathodique semble se contenter de ce rôle : être le pont de service.

Il serait peut être temps que ces réguliers égarés de la pensée comprennent qu'en assumant ce rôle, ils ne rendent guère service a la rivière du sens, eux qui prétendent être source d'une pensée non-unique. Qu'ils préparent des amarres qui font barrage au flux de l'intelligence. Et qu'ils en sont les pollueurs.

Car il faut le dire en vérité : ces ponts de service sont souvent des sales ponts.

mercredi 23 mai 2012

FABLIEZ ! (opus 1)


Je suis Dimitrios et je suis un Panda
Drôle nom que ceci ? Drôle état que cela ?
Si vous trouvez ça « drôle », attendez de savoir :
Mon espèce est un art et mon nom une histoire.

Juste après ma naissance, au zoo de Kapoutchan,
Mes parents m’appelaient du nom de Gros Pan-Pan.
Je n’étais pas si gros … : je détestais ce nom,
Mais tous deux persistaient à le trouver mignon.

Quelques années plus tard, le frère de maman
Fut papa d’un petit qu’il appela Dan-Dan.
Gros Pan-Pan et Dan-Dan, nous étions cousins,
Deux pandas mal nommés, c’était notre destin.
 
Lorsque j’eus mes douze ans et Dan-Dan ses dix ans,
On nous dit qu’il fallait quitter le Kamputchan.
Un zoo, dans un pays qui s’appelait la Crète,
Attendait deux pandas pour en faire des vedettes.

Nous dûmes dire adieu, chacun, à nos parents.
Malgré notre chagrin, nous faisions semblant.
Mon père commanda : « rejoins ton avenir ! »,
Je dis qu’il rejoindrait mes plus beaux souvenirs.

« Je t’aimerai toujours, me murmura maman,
Tu resteras pour moi mon petit Gros Pan-Pan. » 
Je fis le fier et dis que, si moi je l’aimais,
Je quitterai ce nom sans beaucoup de regret.

On nous fit un accueil grandiose et mémorable,
Lors de notre arrivée à zoo de Mirolable.
Nous étions là-bas, les deux premiers pandas,
Gros Pan-Pan et Dan-Dan, deux stars en sol crétois !

Pour nous apprivoiser, on changea nos prénoms,
Le fils du Directeur était Dimitrios,
Il me nomma ainsi, en signe d’adoption ;
Dan-Dan, calme et secret, fut nommé Platonos

Dimitrios Panda et Platonos Panda,
Ces deux noms nous allaient, comme habits de gala :
J’étais fier du panneau en bois devant ma cage !
Platonos, réservé, restait un peu plus sage.

Peu à peu notre enclot fut mieux aménagé :
On planta, pour nous plaire, une bambouseraie,
On agrandit l’endroit, on y planta un arbre,
Et le panneau de bois fut changé pour du marbre.

Platonos regardait ces aménagements
Sans en être flatté, mais sans désagrément.
Seul comptait à ses yeux que l’on ait des bambous,
Et d’être rassasié lui suffisait en tout.

Pour ma part je goûtais à d’autres sentiments
Car j’avais mon public, et son déplacement
Tenait bien davantage à mon art du spectacle
Qu’à la curiosité de voir notre habitacle.

Tandis que Platonos tendrement me gardait
Les pousses de bambous, qui le soir lui restaient,
Je tenais tout le jour à jouer les imbéciles :
C’est ainsi qu’on m’aimait, et c’était si facile ...

Je découvrais comment l’on fait des cabrioles,
Pour que, de toutes parts, le spectateur rigole ;
Je me roulais par terre et je levais les pattes,
Pour que, matin et soir, les visiteurs s’épatent.

On vint, de tous pays, voir le panda joyeux :
Plus il eut de monde et plus je fus heureux.
On me filma sans cesse, on me prit en photos
Et, comble de succès, on me prit … en logo.

Je devins le célèbre et fier Dimitrios,
Sous l’aimable regard du muet Platonos.
Savais-je l’affection que gardait mon cousin
Pour la star de ce zoo qui était l’un des siens ?
 Panda Géant
Un matin, je me dis que pouvais encore
Me hisser au-dessus de mon niveau d’alors.
On m’admirait sachant que je restais à terre,
Que dirait-on le jour où je gagnerais l’air ?

J’y mis toute ma force et fis tous mes efforts.
Contre le tronc de l’arbre je refusais le sort,
Qui disait que des ours, nous autres les pandas,
Nous serions les seuls à demeurer en bas.

Je saisis son écorce et voulu la griffer,
Je retentai cent fois, et cent fois fut blessé.
La cent-unième fois, surgit le souvenir
De mon père ordonnanr que j’aie un avenir.

Ce fut plus fort que moi : je fus plus fort que tout ;
Je fus plus dur que l’arbre et il me sembla doux.
D’un élan maladroit je grimpai jusqu’en haut :
Sa cime était mon but et mon but était beau.
 
Juché sur son épaule en bois et en feuillage,
Il me semblait pouvoir chatouiller les nuages,
Et, du haut de mon ciel, je regardais en bas
Mon cousin prisonnier de sa vie de panda.

Lui-même me fixait, sans doute admiratif,
A moins que son regard ne se fit plus pensif.
Je vis, du fond du zoo, les gardiens accourir
Et j’entendis, grisé, mon public applaudir.

Ne restait qu’à descendre, passé la performance,
Vu l’exploit accompli, c’était de l’art l’enfance.
Je saisis une feuille, tout à côté de moi,
Mais la banche rompit sous l’effet de mon poids.

J’étais redevenu, soudain, le Gros Pan-Pan,
Et de Dimitrios, je n’avais plus l’élan.
D’une patte pataude, essayant de tenir,
En haut de ce sommet, je le voyais fléchir.

Je hurlai : « Platonos, aide-moi à descendre !».
Il répondit : « Cousin, contente-toi d’attendre …
Si tu restes perché, tout le temps qu’il faudra,
A force de pencher, cet arbre cèdera ».

« Mais l’arbre s’effondre et si je suis dessus ? »
Demandai-je au cousin. Il me fut répondu :
« Que n’as-tu réfléchis, avant que d’entreprendre
L’ascension de ce dont tu ne peux plus descendre ? »

Puis, charitablement, Platonos étendit,
Sous l’arbre qui penchait, une sorte de lit,
Composé de bambous, de feuilles, de roseaux,
Et me dit de sauter sans craintes pour mes os.

Moralité : mesure, avant de conquérir
De fragiles sommets pour te faire applaudir,
Si tu sais en descendre sans crainte pour toi-même.
Sinon demande-toi, qui, en silence, t’aime. 

mardi 22 mai 2012

En mai, fais ce que tu peux

François Hollande lors de son premier bain de foule présidentiel sur les Champs le 15 mai 2012Après une aphasie involontaire de l'équipe de rédaction (occupée par des questions assez diverses) nous revoici sur le blog.

Pour le dire avec un peu de légèreté : en mars, nous n'avons pas fait la guerre; en avril, nous ne nous sommes pas découvert d'une ligne.

Nous voici en mai. Il pleut et en mai, fais ce qui tu peux !!

En cette fin de printemps qui a porté les espoirs des uns et les déceptions des autres, en cette fin de printemps qui a vu fleurir de partout des appels à la réunion des esprits, à l'unité des efforts et (qui sait ?) à une forme apaisée de dialogue public nous nous efforcerons de continuer à suivre notre chemin qui sert précisément ces valeurs.

Des valeurs qui veulent parler d'espace commun, sans parti pris et sans tabou.

En cette ligne de clerc qui est la notre depuis l'ouverture de ce blog, notre changement, ce n'est pas pour maintenant ... même si le progrès, nous l'espérons, c'est pour tout de suite !