Je suis
Dimitrios et je suis un Panda
Drôle nom
que ceci ? Drôle état que cela ?
Si vous
trouvez ça « drôle », attendez de savoir :
Mon espèce
est un art et mon nom une histoire.
Juste après
ma naissance, au zoo de Kapoutchan,
Mes parents
m’appelaient du nom de Gros Pan-Pan.
Je n’étais
pas si gros … : je détestais ce nom,
Mais tous
deux persistaient à le trouver mignon.
Quelques années
plus tard, le frère de maman
Fut papa
d’un petit qu’il appela Dan-Dan.
Gros Pan-Pan
et Dan-Dan, nous étions cousins,
Deux pandas
mal nommés, c’était notre destin.
Lorsque
j’eus mes douze ans et Dan-Dan ses dix ans,
On nous dit
qu’il fallait quitter le Kamputchan.
Un zoo, dans
un pays qui s’appelait la Crète,
Attendait
deux pandas pour en faire des vedettes.
Nous dûmes
dire adieu, chacun, à nos parents.
Malgré notre
chagrin, nous faisions semblant.
Mon père commanda :
« rejoins ton avenir ! »,
Je dis qu’il
rejoindrait mes plus beaux souvenirs.
« Je t’aimerai toujours, me murmura maman,
Tu resteras pour moi mon petit Gros
Pan-Pan. »
Je fis le
fier et dis que, si moi je l’aimais,
Je quitterai
ce nom sans beaucoup de regret.
On nous fit un
accueil grandiose et mémorable,
Lors de
notre arrivée à zoo de Mirolable.
Nous étions là-bas,
les deux premiers pandas,
Gros Pan-Pan
et Dan-Dan, deux stars en sol crétois !
Pour nous apprivoiser,
on changea nos prénoms,
Le fils du
Directeur était Dimitrios,
Il me nomma
ainsi, en signe d’adoption ;
Dan-Dan, calme
et secret, fut nommé Platonos
Dimitrios
Panda et Platonos Panda,
Ces deux
noms nous allaient, comme habits de gala :
J’étais fier
du panneau en bois devant ma cage !
Platonos,
réservé, restait un peu plus sage.
Peu à peu
notre enclot fut mieux aménagé :
On planta,
pour nous plaire, une bambouseraie,
On agrandit
l’endroit, on y planta un arbre,
Et le
panneau de bois fut changé pour du marbre.
Platonos
regardait ces aménagements
Sans en être
flatté, mais sans désagrément.
Seul
comptait à ses yeux que l’on ait des bambous,
Et d’être
rassasié lui suffisait en tout.
Pour ma part
je goûtais à d’autres sentiments
Car j’avais
mon public, et son déplacement
Tenait bien
davantage à mon art du spectacle
Qu’à la
curiosité de voir notre habitacle.
Tandis que
Platonos tendrement me gardait
Les pousses de
bambous, qui le soir lui restaient,
Je tenais tout
le jour à jouer les imbéciles :
C’est ainsi
qu’on m’aimait, et c’était si facile ...
Je
découvrais comment l’on fait des cabrioles,
Pour que, de
toutes parts, le spectateur rigole ;
Je me
roulais par terre et je levais les pattes,
Pour que,
matin et soir, les visiteurs s’épatent.
On vint, de tous
pays, voir le panda joyeux :
Plus il eut
de monde et plus je fus heureux.
On me filma
sans cesse, on me prit en photos
Et, comble
de succès, on me prit … en logo.
Je devins le
célèbre et fier Dimitrios,
Sous
l’aimable regard du muet Platonos.
Savais-je
l’affection que gardait mon cousin
Pour la star
de ce zoo qui était l’un des siens ?
Un matin, je
me dis que pouvais encore
Me hisser
au-dessus de mon niveau d’alors.
On
m’admirait sachant que je restais à terre,
Que
dirait-on le jour où je gagnerais l’air ?
J’y mis
toute ma force et fis tous mes efforts.
Contre le
tronc de l’arbre je refusais le sort,
Qui disait
que des ours, nous autres les pandas,
Nous serions
les seuls à demeurer en bas.
Je saisis son
écorce et voulu la griffer,
Je retentai
cent fois, et cent fois fut blessé.
La cent-unième
fois, surgit le souvenir
De mon père ordonnanr
que j’aie un avenir.
Ce fut plus
fort que moi : je fus plus fort que tout ;
Je fus plus dur
que l’arbre et il me sembla doux.
D’un élan
maladroit je grimpai jusqu’en haut :
Sa cime
était mon but et mon but était beau.
Juché sur
son épaule en bois et en feuillage,
Il me
semblait pouvoir chatouiller les nuages,
Et, du haut
de mon ciel, je regardais en bas
Mon cousin
prisonnier de sa vie de panda.
Lui-même me
fixait, sans doute admiratif,
A moins que
son regard ne se fit plus pensif.
Je vis, du
fond du zoo, les gardiens accourir
Et
j’entendis, grisé, mon public applaudir.
Ne restait
qu’à descendre, passé la performance,
Vu l’exploit
accompli, c’était de l’art l’enfance.
Je saisis
une feuille, tout à côté de moi,
Mais la
banche rompit sous l’effet de mon poids.
J’étais
redevenu, soudain, le Gros Pan-Pan,
Et de
Dimitrios, je n’avais plus l’élan.
D’une patte
pataude, essayant de tenir,
En haut de
ce sommet, je le voyais fléchir.
Je hurlai :
« Platonos, aide-moi à descendre !».
Il répondit :
« Cousin, contente-toi d’attendre …
Si tu restes perché, tout le temps
qu’il faudra,
A force de pencher, cet arbre cèdera ».
« Mais l’arbre s’effondre et si je suis
dessus ? »
Demandai-je
au cousin. Il me fut répondu :
« Que n’as-tu réfléchis, avant que
d’entreprendre
L’ascension de ce dont tu ne peux
plus descendre ? »
Puis,
charitablement, Platonos étendit,
Sous l’arbre
qui penchait, une sorte de lit,
Composé de
bambous, de feuilles, de roseaux,
Et me dit de
sauter sans craintes pour mes os.
Moralité : mesure, avant de
conquérir
De fragiles sommets pour te faire
applaudir,
Si tu sais en descendre sans crainte
pour toi-même.
Sinon demande-toi, qui, en silence,
t’aime.