A toute époque républicaine, sous
tout régime démocratique, existent des individus qui se dévouent pour se
tirer une balle intellectuelle dans le pied croyant faire, sur le terrain politique, une passe
sportive d'autant plus remarquable qu'elle semble spectaculaire.
Ces individus sont le contraire
des clercs. Pas étonnant qu''ils aient le goût du sombre ni qu'ils se donnent des airs foncés.
En règle générale, ils se
persuadent de poursuivre avec panache un rôle de pont entre des idées banales
et des pensées infréquentables. Dans leur vision dudit panache, ils se
souviennent que Cyrano commence dans une taverne et y trouvent matière à se
complaire dans des propos d'ivrognes, étrangement tenus à jeun.
Le dernier exemple en date
est particulièrement affligeant. Un éditorialiste de talent (les ponts auquel il
succède en la chaussée ont souvent cette caractéristique, leur talent de plume
aggravant a due proportion l'incongruité de leurs égarements) a éprouvé le
besoin de pervertir le débat nécessaire sur les propositions de reformes
judiciaires par des allusions à la personne même de la nouvelle
Garde de Sceaux.
Bien sûr, la limite entre la
réflexion et l'inacceptable n'est jamais franchie. Le Rubicon entre race et
histoire, dénigrement et contestation, insulte et critique n'est pas traversé.
Mais le pont est jeté. Comme de juste d'ailleurs, puisque ce Saint Just
cathodique semble se contenter de ce rôle : être le pont de service.
Il serait peut être temps que ces
réguliers égarés de la pensée comprennent qu'en assumant ce rôle, ils ne rendent
guère service a la rivière du sens, eux qui prétendent être source d'une pensée
non-unique. Qu'ils préparent des amarres qui font barrage au flux de
l'intelligence. Et qu'ils en sont les pollueurs.
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